Ci-dessous un article paru dans Le Progrès du 20 octobre 2011 :
Une série événement d’Arte met en lumière des résistants de la Seconde Guerre mondiale venus de toute l’Europe. À Lyon, Denise Domenach Lallich, 87 ans, est entrée dans la Résistance à 16 ans comme agent de liaison. « J’étais une parmi d’autres », observe cette femme dynamique. Troisième d’une famille de neuf enfants, Denise Domenach grandit au sein d’une famille lyonnaise acquise à la Résistance. Son père en est membre. Son frère Jean-Marie est élève en Khâgne au lycée du Parc à Lyon. Il a pour ami Gilbert Dru (1) et pour professeurs le philosophe Jean Lacroix et l’historien Joseph Hours. « À vélo, j’allais chercher chez l’imprimeur Eugène Pons des journaux clandestins comme Combat, Témoignage chrétien que j’emmenais dans un magasin où des diffuseurs les acheminaient. J’ai fait passer aussi des messages, de l’argent, des faux papiers. En novembre 1942, alors que Lyon est occupée par les Allemands, j’avais pris des cours de calligraphie. J’imitais la signature de commissaires de police sur des faux papiers. Cela se passait dans les sous-sols de la faculté de lettres. On avait un appariteur qui faisait le guet et donnait l’alerte en cas de danger. »
Quand on lui demande si elle craignait alors pour sa vie, Denise répond : « On avait sincèrement fait le sacrifice de notre vie. On vivait dans une espèce de passion ». La peur, elle l’a ressentie au retour d’une mission dans l’Ain : « Ce jour-là, j’étais allée chercher des cartes d’identité vierges à Bourg-en-Bresse. Je suis revenue à Lyon en train. Arrivée en gare de la Croix-Rousse, j’ai cru que j’étais perdue. Des Allemands fouillaient les passagers. J’ai été sauvée par un cheminot qui m’a fait fuir par les voies. »
« À la Libération, on a vécu dans l’appartement de Robert Brasillach à Paris. On était payé par le Mouvement de libération nationale pour raconter notre parcours. » Puis, lorsque Robert Brasillach a été fusillé, c’est le retour à l’anonymat pour Denise. « Je me suis retrouvée dans une maison de repos pour étudiants résistants à Combloux. C’est la Croix-Rouge suédoise et américaine qui prenait soin de nous. Je me suis mariée en décembre 1946. J’ai repris mes études et des cours puis suis devenue professeur de français. À ce moment-là, on avait envie de vivre notre vie, d’avoir des enfants, ne plus de parler de la guerre. » C’est plus tard, à l’ouverture du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon que Denise met des mots sur son passé de résistante pour que l’Histoire reste vivace dans la mémoire des plus jeunes.
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Note :
(1) Résistant abattu par la Gestapo, place Bellecour à Lyon, le 27 juillet 1944, à l’âge de 24 ans.