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30 janvier 2011 7 30 /01 /janvier /2011 23:33

@rrêt sur images, émission du 28/01/2011 (disponible sur abonnement) "Les juifs sont plus vigilants que les Noirs"

Céline, antisémitisme, racisme : Serge Klarsfeld s'exprime

En quelques mots, un homme, sans aucun mandat, a fait reculer le gouvernement sur une question très symbolique : faut-il célébrer officiellement le cinquantième anniversaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline, écrivain français reconnu comme l'un des plus grands du vingtième siècle, mais aussi violent pamphlétaire antisémite ? D'où Serge Klarsfeld, puisqu'il s'agit de lui, puise-t-il cette légitimité qui lui est reconnue par le gouvernement et les médias français ? Comment l'utilise-t-il et quelles limites se fixe-t-il ? L'historien, avocat et président de l'Association des fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF) est notre invité.

L'émission est animée par Daniel Schneidermann, préparée par Dan Israel et déco-réalisée par François Rose.

Chroniqueuses : Lucie Desvaux et La Parisienne libérée

La vidéo dure 1 heure et 18 minutes.

Pour démarrer l'émission, on retrouve, non pas Didier Porte, en pleine écriture de spectacle (les explicatipons de Daniel sont ici), mais notre documentaliste Lucie, qui, n'écoutant que son courage, a plongé dans les bandes-annonces très osées d'Enquête exclusive sur M6 (acte 1).

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand l'a décidé, Céline ne figurera pas sur la liste établie chaque année dans le très officiel recueil des célébrations nationales, qui établit la liste des cinquantenaires ou des centenaires de la naissance ou de la mort de figures majeures de l'histoire française, ainsi que des événements marquants de l'histoire politique, scientifique ou artistique. Et tant pis si la décision a été prise après que le recueil, contenant le nom de Céline, a déjà été imprimé à 10 000 exemplaires. Le rétropédalage a été plus que rapide : premières protestations de Serge Klarsfeld le mardi 18 janvier au soir sur Europe 1, communiqué de son association le lendemain, et annonce de Mitterrand, après concertation avec l'Elysée, le vendredi. "C'est le journaliste d'Europe 1 Pierre-Louis Basse qui m'a alerté", raconte Klarsfeld. Mais ce n'est pas l'écrivain qu'il vise, puisqu'il a l'aimé lorsqu'il l'a découvert à quinze ans : "C'était écrit dans une langue qui allait directement dans ma tête." Il dénonce en revanche le fait qu'on ait pu vouloir célébrer la mémoire ou la conduite du pamphlétaire féroce de Bagatelle pour un massacre, L'Ecole des cadavres et Les beaux draps, trois ouvrages antisémites parus entre 1937 et 1941. (acte 2)

Comment expliquer l'influence de notre invité ? S'il refuse d'y voir autre chose que la conséquence de "la force" que lui et son association tirent des souffrances de leurs proches, victimes du nazisme, son parcours n'y est sans doute pas étranger. Le couple qu'il forme avec Beate, sa femme allemande et non-juive, est célèbre depuis les années 1970 pour leur "traque" des nazis ayant échappé à la justice après-guerre. De la gifle de Beate au chancelier ouest-allemand Kurt Kiesinger en 1968 au procès Barbie en 1987, leur combat a eu droit à un très large écho. Mais Serge Klarsfeld ne se sert pas de ce crédit à n'importe quelle condition : il refuse par exemple de critiquer les images de Nicolas Sarkozy déclarant sa flamme pour "l'écrivain de génie" sur France 5 en 2006. "Il a dit récemment qu'il aime Céline, mais qu'en même temps, la République ne peut pas le célébrer", absout-il. (acte 3)

N'aurait-il pas été stratégiquement plus efficace de maintenir Céline dans la liste des célébrations officielles, afin de créer le débat autour de l'auteur ? s'interroge Daniel, qui soumet à Klarsfeld un extrait d'un Apostrophes de 1987, où l'auteure d'une biographie apparemment amicale de l'écrivain collaborationniste Robert Brasillach se fait descendre en flammes par l'écrivain Gilles Perrault.

Une autre question vient vite sur le tapis : les médias sont-ils plus sensibles aux polémiques qui concernent les juifs qu'à celles visant d'autres communautés ? Cf le peu d'empressement à condamner la sortie raciste sur les "nègres" du parfumeur Jean-Paul Guerlain, sur France 2 en octobre. Comment l'expliquer ? "Les juifs sont beaucoup plus vigilants que les Noirs, tout simplement", assure notre invité. "Ils ont moins de poids dans la société", concède-t-il, en appelant le Cran (Conseil représentatif des associations noires) a réagir de façon plus "énergique". Plus généralement, il récuse l'existence d'un "lobby juif", mais reconnaît que "beaucoup de juifs parlent en leur nom personnel, mais ont des places dans la société, donc on les entend ". (acte 4)

L'actualité de la semaine a remis sur le devant de la scène un autre thème concernant la Seconde Guerre mondiale : mardi 25 janvier, Guillaume Pépy, président de la SNCF, a reconnu le rôle de la société publique, "contrainte", dans la déportation des juifs de France… au grand dam de Serge Klarsfeld , qui avait recommandé "à la SNCF de garder la tête haute" devant les demandes de repentance. Mais pourquoi donc ? Par souci de "vérité historique", martèle-t-il : "Pour chaque déportation, il y a eu un ordre de réquisition de la part de l'Etat français", la SNCF n'y est donc concrètement pour rien. Et il détaille un discours très rarement entendu dans les médias : non, ce ne sont pas de trains français qui ont conduit les juifs vers les camps de la mort depuis Drancy, il s'agissait de trains allemands. Mais la SNCF a bien affrété les trains qui amenaient les futurs déportés... vers Drancy. Conclusion en chanson avec la chronique musicale de notre Parisienne libérée… ou presque. Après la chanson, Klarsfeld récite un poème d'Isaac Katznelson qui lui semble bien y répondre. (acte 5)

Publié par ARB - dans REVUE DU NET